112 Anne de Montet
LA TRAVERSÉE
Poèmes 1965 – 2006
Immagine di copertina:
Italo Valenti, Traghetto, china 1980
Anne de Montet est née en 1912 au bord du lac Léman. Elle fait des études de peinture à Paris, puis s’établit comme photographe à Zürich, jusqu’au début de la guerre. Dès 1942, elle fonde, avec Werner Graeff, la « Fotoschule Locarno » qui offre aux réfugiés des cours rapides de réadaptation professionnelle. Elle écrit des contes pour enfants, des sujets de ballets et des poésies.
Anne de Montet, veuve du peintre Italo Valenti, est décédée en 2009.
Coq de bruyère
1965
Coq de bruyère
le matin chante !
un nuage touche midi ;
le soir appelle nos songes.
*
Les magiciennes
1977
C’était toujours quand on les attendait le moins
qu’elles revenaient demeurer avec nous.
Le jour, elle s’annonçaient par la douleur d’une côte,
par des pieds froids et par les galops du cœur.
Dans la nuit, des lueurs vagabondes nous faisaient
entrevoir la forme de leur voile d’ombre,
l’austère autorité de leur groupe pensif.
On savait alors, par expérience, à quoi s’en tenir.
Elles demandaient de passer de chez nous sur une autre rive
et auraient campé dans notre compagnie
jusqu’à l’arrivée du bac.
Encore fallait-il trouver la voie d’eau, souvent encore invisible,
l’embarcation maniable pour nos modestes forces
et l’endroit propice où le courant ne risquait pas
de nous entraîner vers les rapides.
Autrefois, elles amenaient un chien,
parfois même deux ou trois:
« les chiens de la lune »,
comme nous les avions nommés.
Aujourd’hui elles reviennent sans leurs bêtes.
Ont-elles vieilli ? Ont-elles besoin de solitude
et de recueillement ?
Ou savent-elles qu’elles n’ont pas à se défendre,
car nous avons enfin appris à ne plus les craindre
et à les chérir.
*
Les heures
2003
Le temps avance
se rétrécit
ou s’allonge
à reculons.
Il prend son temps
le temps.
Il fait étape
à la recherche
du bon vieux temps.
Il va pêchant
tout en caprice
dans les rêves
des beaux et belles
au Bois-dormant.
Puis il s’élève
au son des cloches
qui le révèrent
vidant ses poches
de ses horloges.
En sa demeure,
il va le temps
toujours plus loin
toujours plus seul.
Dans son ennui
de solitude
il s’en revient
chez les vivants.